QUESTIONS/REPONSES sur la PHYSIQUE SPATIALE


Depuis quand connait-on l'existence des plasmas des milieux interplanétaires et de leur activité ?

Les premières questions que les gens se sont posées à ce sujet concernaient l'origine des aurores polaires (aussi appellées aurores boréales, car elles ont tout d'abord été découvertes près du pôle Nord). Les aurores polaires sont des émissions de lumière que l'on observe dans le ciel nocturne depuis les régions voisines du cercle polaire (Scandinavie, Canada, Alaska, Nord de la Sibérie). Ce sont des sortes de voiles de lumière, multicolores et dansants, qui recouvrent parfois la totalité du ciel. Au dix-neuvième siécle, des savants ont montré que ces lumières sont émises depuis une altitude de 80 à 400km. Ils ont fait une étude spectrographique de leur lumière et ont montré que celle ci provient de la désexcitation d'oxygène atomique (raies rouges et vertes), d'ions et de molécules d'azote N2+ (raies bleues) et N2 (raies rouges). En 1897, le physicien J.J. Thomson découvrait les électrons. Il suggérait en 1903 que les aurores polaires seraient crées par le passage des électrons dans la haute atmosphère de la Terre après avoir été éjectés du Soleil.





Kristian Birkeland honnoré sur les billets de la banque de Norvège.


On découvrit que lors de l'apparition d'aurores intenses, le champ magnétique terrestre subit d'importantes modifications. Ces événements conjugant aurores intenses et déformations du champ magnétique furent baptisés orages magnétiques. En 1908, le physicien norvégien K. Birkeland mesurait de facon systématique les déformations du champ magnétique terrestre dans les régions polaires. Il déduisait que ces déformations sont dues à des courants électriques existant à haute altitude. Il comprit que ces courants sont compatibles avec l'existence d'électrons émis par le Soleil, même si l'explication de leur répartition demeurait mystérieuse. Pour tenter de l'expliquer, Birkeland développa, avec C. Strömer, une théorie du mouvement des électrons dans le champ magnétique dipôlaire de la Terre (1908).


Sydney Chapman à l'Université de Fairbanks, Alaska.
Sydney Chapman (1888, 1970) a laissé sa marque dans la plupart des domaines de la géophysique externe.

La banque d'Angleterre ne l'a pas fait figurer sur ses billets. Mais un des cratères de la Lune porte son nom.


Il fallut attendre 1919 pour comprendre que les mouvements des électrons ne pouvaient être traités individuellement. Lindman découvrrit que le Soleil émet un gaz ionisé (ou plasma) contenant autant d'ions que d'électrons. C'est alors que Chapman et Ferraro commencèrent à développer la théorie des plasmas spatiaux. Ils montrèrent (1931) que le flux des particules chargées (électrons et ions) en provenance du Soleil modifient le champ magnétique de la Terre. Au lieu de s'étendre dans tout l'espace, le champ magnétique terrestre est confiné dans une zone limitée par une frontière nettement définie -la magnétopause-, localisée (du coté jour) à quelques dizaines de milliers de kilomètres de la Terre. La zone intérieure à cette frontière, c'est à dire là où existe le champ magnétique terrestre, est la magnétosphère. Près de la Terre (jusqu'à 20000 km d'altitude), le champ magnétique dans la magnétosphère est quasiment dipôlaire comme l'imaginaient Strömer et Birkeland. Plus loin, il est déformé par le vent solaire. Du coté jour, les lignes de champ magnétique sont comprimées les unes contre les autres, du coté nuit, elles sont étirées.

A cette époque, on pensait que les émissions de plasma par le Soleil se produisaient sporadiquement, et que la magnétosphère n'existait pas de façon permanente. Tout allait changer avec l'avènement de l'ère spatiale.





La sonde spatiale Explorer I (photo NASA).


En 1958, la sonde spatiale américaine Explorer I embarquait un compteur Geiger. Celui ci révelait la présence de particules chargées piégées dans le champ magnétiques terrestre. Bien que le piégeage des particules n'ait pas été prédit par Strömer (1908), et en dépit des différences entre le champ magnétique réel et le champ dipôlaire, l'existence de zones de piégeage (aussi appelées ceintures de Van Allen) était compatible avec sa théorie. C'était la première mise en évidence experimentale directe que l'environnement lointain de la Terre contenait un plasma.





Eugene Parker (1927-) à l'Institut Enrico Fermi de l'Université de Chicago.


Paralèllement, des travaux théoriques menés par Parker (1957) montraient que le plasma émis par le Soleil ne peut être statique. Au contraire, ce plasma doit être éjecté du Soleil et atteindre une vitesse supersonique. C'est ainsi qu'apparu le concept de vent solaire. Au niveau de la Terre, la vitesse du vent solaire varie entre 400 et 800 km/s, sa température est de l'ordre du million de degrés, il a une densité de quelques particules par centimètre cube. L'exitence du vent solaire fut confirmée expérimentalement par la sonde soviétique Lunik I (1959).

Depuis, des centaines d'expériences embarquées à bord de sondes spatiales ont apporté des informations essentielles qui ont profondément modifié notre compréhension de la couronne solaire, du vent solaire, et des environnements planétaires.

La sonde américaine Pioneer I, lancée en 1958, explorait la magnétosphère, munie d'un magnétomètre. Ce magnétomètre ne pouvait mesurer qu'une des trois composantes du champ magnétique. On découvrit qu'entre 4 et 7 rayons terrestres (suivant les circonstances), le champ magnétique ressemblait raisonnablement à un champ dipolaire. Au delà, les choses étaient plus difficiles à interpréter. C'est la sonde Explorer 10, lancée en 1961, qui permit de mieux comprendre ce qui se passait : au delà de 8 rayons terrestres, les lignes de champ magnétique étaient très différentes de celui d'un dipole, le champ magnétique y était plus fort (20nT alors que pour un dipole on aurait eu 4nT) et une densité très faible de plasma (non détectable avec les instruments embarqués sur cette sonde). Puis on traversait une frontière (plusieurs fois de suite dans les deux sens) au delà de laquelle le champ magnétique baissait (10 nT), semblait irrégulier, et où l'on pouvait mesurer la présence d'un plasma. Cette frontière était la magnétopause, au delà de laquelle on se trouvait dans la magnétogaine (appellée alors la zone de transition). C'était la première fois que l'on identifiait ces régions. L'existence de la magnétosphère était suspectée depuis les travaux de Chapmann et Ferraro. Tout de suite, on se demanda la raison de ces traversées multiples, était-elle déformée par des vagues ? Etait-elle perméable ou non aux particules du plasma ?


Lunik 1 (Luna 1 pour les anglophones).
Cette sonde, lancée par l'URSS en 1959 a été la première à échapper à la gravitation terrestre et à approcher la Lune.
En 1959, trois sondes Luna 1, 2 et 3 ont approché la Lune. Les premières photographies de la face cachée de la Lune ont été prises à bord de Luna 3.


On savait depuis Lunik que le vent solaire a une vitesse typiquement de l'ordre de 400 km/s, alors que la vitesse des ondes acoustiques dans le milieu interplanétaire est de l'ordre de 50 km/s. D'autre part, la vitesse des ondes d'Alfvén est aussi de 50 km/s. Or si le vent arrive sur un obstacle (la magnétopause) plus vite que ces ondes ne se propagent, il doit y avoir une onde de choc en amont de la magnétopause. C'est du moins ce que certains scientifiques pensaient, sans en être trop surs (les choses ne se passent pas tout à fait dans les plasmas spatiaux comme dans les gaz ordinaires). La sonde IMP-I, lancée en 1963 devait explorer les régions externes de la magnétosphère et le milieu interplanétaire. Les mesures fournies par les magnétomètres et la sonde à plasma embarqués à bord de IMP-I confirmèrent l'existence d'un choc en amont de la Terre. D'un coté du choc (dans la magnétogaine) le plasma avait une répartition de vitesses très large (en amplitudes et en directions), alors que de l'autre coté (dans le vent solaire i.e. le milieu interplanétaire), le plasma avait une vitesse dont la direction était simplement opposée à celle du Soleil.


Hannes Alfvén (1908-1995).
La plupart de ses travaux théoriques ont porté sur la physique des plasmas et leur application à l'astrophysique. Il a obtenu de nombreux résultats sur la manière d'en simplifier l'étude (théorie MHD, théorie du mouvement adiabatique...). Il en a déduit des proriétés fondamentales auxquelles les physiciens des plasmas font constament référence de nos jours.
Il a partagé le prix Nobel avec Louis Néel en 1970.


Le premiers modèles de la magnétosphère prévoyaient que la queue devrait avoir un extension quasi-infinie. Cela était génant, les physiciens n'aiment pas les quantités infinies. Ils firent des modèles plus complets (compte tenu des connaissances expérimentales disponibles dans les années 1960) et calculèrent que la queue devrait avoir une longueur de l'ordre de 50 rayons terrestres. Au delà, on se trouverait à nouveau dans le milieu interplanétaire baigné par le vent solaire. La sonde Explorer 10 vīnt jusqu'à 47 rayon terrestres dans la queue et ne trouva aucune indication comme quoi elle devrait être fermée. C'est en analysant les données de la sonde IMP-I (qui vīnt jusqu'à 31 rayons terrestres) que l'on put identifier la présence des lobes, et de la couche de plasma (1965). Apparement, personne ne s'attendait à ces découvertes. De nombreux physiciens s'attaquèrent alors au problème de la modélisation de la queue. Les plus connus connus de ces travaux sont ceux de Dungey (modèle de magnétosphère ouverte), de Beard et Mead, et d'Axford et Hines (modèle de magnétosphère fermée). A cette époque, on suggéra, sur la base d'observations d'aurores et de modèles de champ magnétique que la queue de la magnétosphère pouvait s'étendre jusqu'à 1000 rayons terrestres. On est loin des 50 rayons envisagés un an auparavant.


auteur : Fabrice Mottez. version HTML : Juillet 1998, dernière révision : juillet 2002.
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