Il faut être neanmoins conscient que chaque décenie, en apportant de nouvelles découvertes, rejette certaines idées plus anciennes, mais pas l'enemble des connaissances et des idées acquises. De plus, les connaissances aquises au fil des ans convergent vraissemblablement vers une approche de plus en plus correcte de la réalité. Il est donc bon de se mettre à jour de temps en temps.
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C'est bien le vent solaire qui sert de moteur pour les aurores polaires, mais le vent solaire ne pénètre pas aussi directement dans l'environnement de la Terre que ce dessin le montre. |
De nombreux ouvrages un peu anciens disent ou sous entendent que les particules précipitées dans les aurores proviennent directement du vent solaire, après qu'il ait pénétré dans l'environnement de la Terre par les cornets polaires. C'est faux, la réalité est plus complexe. Néanmoins, l'idée est assez répandue, y compris chez des gens cultivés. Voici quelques arguments qui montrent que ce modèle ne correspond pas à la réalité.
(1) Les cornets polaires sont situés non pas au dessus des pôles, mais du coté jour. Les particules précipitées dans le cornet polaire devraient donc former de préférence des aurores du coté jour. Or c'est l'inverse qui se produit.
(2) Le champ magnétique dans les cornets polaires est plus fort que dans les autres régions de la magnétosphère, il s'oppose donc à la rentrée des particules chargées et à leur précipitation vers la Terre. (c'est l'effet diamagnétique).
(3) L'énergie des particules du vent solaire est de l'ordre de 100 eV, alors que les particules précipitées on une énergie dix ou vingt fois supérieure. Les particules précipitées ont donc été accélérées dans l'environnement de la Terre (dans la magnétosphère), elles ne viennent pas directement du vent solaire.
En fait, la magnétosphère est entourée d'une frontière, la magnétopause. Cette frontière est assez fine : environ 1000 km d'épaisseur, ce qui est peu à l'échelle de la magnétosphère. La magnétopause est, en première approximation, étanche aux particules venant du vent solaire. Par contre, au voisinage des cornets polaires, cette frontière est beaucoup moins nette. Des particules peuvent pénétrer dans la magnétosphère par les cornets polaires. Mais à une certaine profondeur, les particules sont repoussées par le champ magnétique de la Terre. Les particules sont alors envoyées dans une région de la queue comprise entre les lobes et la magnétopause : le manteau. Ces particules ne contribuent donc pas directement à la formation des aurores. En fait, certaines particules issues du manteau reviendrons vers la Terre, et il se peut qu'elles soient précipitées vers la Terre et engendrent des aurores, mais cela est le fruit d'un processus assez long et bien plus complexe que le modèle critiqué ici le laisse entendre.
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Les particules du vent solaire qui rencontrent les cornets polaires n'atteignent pas directement les calottes polaires. Elles sont renvoyées vers le manteau magnétosphérique. |
La Terre est entourée d'une zone où des particules de haute énergie sont piégées par le champ magnétique. Ces particules sont réparties dans une ceinture autour de la Terre, autour du plan équatorial, ce sont les ceintures de Van Allen (ou ceintures de radiations). Les ceintures de Van Allen sont situées dans la magnétosphère. Les ceintures de Van Allen ont été découvertes lors de la première mission spatiale américaine qui embarquait un instrument de mesure, c'est ainsi qu'elles ont acquis une certaine notoriété.
Beaucoup de gens pensent (ou disent) que les particules précipitées dans les aurores proviennent des ceintures de Van Allen. C'est faux.
En effet, les ceintures de radiation contiennent des particules de très haute énergie, comparable à celle des grands accélérateurs de particules (quelques 100 MeV, ou GeV). Or les particules précipitées qui déclenchent les aurores ont une énergie beaucoup plus faible, et il n'est pas possible d'expliquer pourquoi leur énergie passerait de quelques 100 MeV à quelques keV (100 000 fois moins d'énergie !) au cours de leur voyage vers l'ionosphère.
Les ceintures de radiations sont très stables. Contrairement aux autres éléments de la magnétosphère, elles sont assez peu sensibles aux orages, sous orages, et autres reconfigurations de la magnétsophère. De ce fait, les particules des ceintures de radiation s'échappent difficilement.
A titre d'exemple, dans les années 50-60, russes et américains ont fait exploser des bombes atomiques à quelques centaines de kilomètres d'altitude. Ces bombes ont libéré des particules chargées de haute énergie. Certaines d'entre elles ont immédiatement provoqué des aurores, en des endroits parfois assez inattendus. Mais les particules qui ont été piégées dans les ceintures de radiations ont été identifiées ensuite pendant des mois après l'explosion (voire plus d'un an). Autrement dit, les ceintures de radiations constituent un réservoir très stable dont les fuites, trop peu abondantes, ne permettent pas d'expliquer les aurores.
Des mesures plus récentes ont montré que les particules précipitées lors des aurores proviennent de la queue de la magnétosphère, or ce n'est pas la région où sont situées les ceintures de Van Allen.
Les particules très énergétiques qui parviennent à s'échapper des ceintures de Van Allen (peu nombreuses) émettent des rayons X lorsqu'elles pénêtrent dans l'atmosphère (rayonnement de freinage, ou Brehmstralung). Des mesures fines du rayonnement X atmosphérique ont permi de déceler les rayonnement X dus à ces particules. Comme prévu, il ne se produit pas aux latitudes aurorales, mais à des latitudes plus basses.
A la fin du dix-neuvième siècle, des savants étudiaient les fluctuations temporelles du champ magnétique, mesurées au sol, sous les régions aurorales. Ils avaient remarqué des modifications du champ magnétique durant typiquement trois jours, pendant lesquels on observe beaucoup d'aurores. Il appelèrent ces évènements des orages magnétiques. Ils obsèrvèrent aussi des fluctuations plus breves (de l'ordre d'une heure) pendant lesquels on observait aussi des aurores. Comme ces évènement avaient souvent lieu pendant les orages, il les appelèrent des sous-orages.
En fait, les aurores ne sont observables que pendant les sous-orages, ce sont eux la vraie cause des aurores, pas les orages magnétiques.
On pensa pendant assez longtemps que les sous-orages étaient un conséquence des orages. C'est faux. Les orages sont des reconfigurations lentes de la magnétosphère dues à un afflux de vent solaire (lui-même du à des éruptions solaires). Les sous-orages sont des reconfigurations plus rapides de la magnétosphère qui ne sont pas une conséquence des orages. Des sous orages ont lieu fréquement, même quand il n'y a pas d'orage. La confusion vient de ce que les orages créent des conditions propices à des sous-orages plus fréquents et plus intenses (donc mesurables avec les appareils conçus au dix neuvième siècle).
Cette confusion qui porte à croire que les sous-orages sont une conséquence ou une composante des orages magnétique est entretenue par leurs dénominations trompeuses.
Pour résumer, les orages magnétiques sont une condition qui favorise l'apparition des sous-orages, mais ils ne leur sont pas une condition necessaire.
Il se peut qu'en visitant des sites d'actualités consacrés à la météorologie
spatiale, on vous dise "attention, il y a eu une éjection de masse coronale
du Soleil, elle est succeptible de heurter la Terre,
il y aura sans doute des belles aurores".
Une éjection de masse coronale se traduit par une intensification du vent solaire.
Si elle heurte la Terre, il y aura vraissemblablement un orage magnétique.
Pendant cet orage, il y aura des sous orages plus fort et plus fréquents qui
permettront d'observer des aurores brillantes.
Mais cela ne veut pas dire qu'il faut une éjection de masse coronale pour voir des
aurores. On en verra aussi la plupart des autres nuits. Seulement
elles seront peut-être
moins belles et moins fréquentes.
L'activité du Soleil favorise l'émergence des sous orages. En plus des orages magnétiques (qui suivent des éruptions solaires), on s'est rendu compte que l'orientation du champ magnétique interplanétaire a aussi une forte influence sur le déclenchement des sous-orages. Des modèles théoriques ont été développés depuis les années 1960. Ils montrent que lorsque le champ magnétique interplanétaire est orienté vers le sud (dans le sens contraire du champ magnétique terrestre), des phénomènes appelés reconnexion se produisent sur la frontière de la magnétosphère (la magnétopause). Lors de ces phénomènes, cette frontière n'est plus étanche au vent solaire, et beaucoup de matière d'origine solaire s'engouffre dans l'environnement de la Terre et déclenche des sous-orages. Cette idée est supportée expérimentalement par le fait que beaucoup de sous-orages très forts sont observés pendant que le champ magnétique interplanétaire est orienté vers le sud. Mais cette idée a des points faibles, qui en entravent fortement la crédibilité :
(1) Argument théorique : Les calculs qui montrent que la reconnexion est possible sont faits dans le cadre d'une théorie (la MHD résistive) qui, pour être applicable au cas de la magnétosphère nécessite l'introduction d'un paramètre ad hoc (un paramètre de diffusion), difficilement justifiable sur le plan théorique. Très peu de travaux ont porté sur ce paramètre (par exemple en le justifiant à partir d'une théorie plus complète que la MHD), et les rares travaux accomplis ne permettent pas de justifier l'usage qui est fait de ce paramètre en MHD résistive. Cela ne veut pas dire que la reconnexion n'existe pas, mais, contrairement à ce qui est souvent dit, la théorie de la reconnexion n'est pas achevée, elle n'est pas encore au point.
(2) Argument expérimental : On n'a à présent aucune preuve directe expérimentale de la reconnexion, car pratiquement aucune sonde spatiale n'a traversé la frontière de la magnétosphère à un endroit où elle se produit. Il n'y a eu que deux exceptions : une traversée par la sonde Geos, il y a une quinzaine d'années, et une traversée annoncée à grand renfort de publicité, par les sondes polar et Goetail, en 2000. Cet endroit est vraissemblablement très petit (quelques kilomètres, ou moins). La rareté de ces évennements, et la petitesse des zones de reconnexion ne permettent pas encore d'évaluer l'importance de ces phénomènes (sont-ils réguliers, rares, désordonés ou non etc...?).
(3) Argument expérimental : depuis quelques années, les sondes spatiales permettent de mesurer quasiment en permanence les caractéristiques du champ magnétique interplanétaire (sonde Wind par exemple). Des travaux ont alors montré de nombreux cas de sous orages se déclenchant lorsque le champ magnétique interplanétaire est orienté vers le nord, (et qu'il n'y a pas d'orage magnétique).
(4) De toute façon, cette théorie pourrait expliquer comment plus de matière entre dans la magnétosphère (ce qui est en soi une question intéressante), mais pas comment ensuite, cette matière est accélérée et précipitée dans les aurores.
Pour conclure : L'orientation du champ magnétique interplanétaire vers le sud est un facteur qui favorise le déclenchement des sous-orages, mais ce n'est point un facteur nécessaire.
Pour donner un image : des évennements comme un orage magnétique ou un retournement du champ magnétique interplanétaire sont des sortes de coups de pieds lancés dans la magnétosphère. Si celle-ci est dans une configuration instable, ces coups de pieds vont accélérer sa reconfiguration ou la rendre plus brutale, mais sans eux, une reconfiguration (un sous-orage) se produira quand même.
D'autre part, les orages magnétiques n'ont pas de rapport avec les orages atmosphériques qui nous sont familliers. Il n'y a pas plus de foudre, de tonnerre, de grosses pluies ou de vent pendant les orages magnétiques que pendant les periodes calmes. Ces phénomènes ne sont pas corréllés, ils ont des causes tout à fait distinctes et n'interagissent pas. La traduction anglaise d'orage magnétique est "magnetic storm", ce qui veut dire tempête magnétique, autrement dit, un évènement un peu exceptionnel ou le champ magnétique varie beaucoup plus que d'habitude.